Archives de Tag: nouvelles

Snapshots – Nouvelles voix du Caine Prize

« Longtemps, la littérature africaine fut reléguée aux marges. L’un des avantages de cela, c’est qu’elle a maintenant fort à faire. Elle a bien des élans, bien des possibles, bien des sagesses, à porter au jour. En temps voulu, elle se manifestera au monde, prodigue de merveilleuses surprises et de cadeaux inattendus. » Ben Okri

LaSolutionEsquimauAWSnapshots, ce sont six auteurs et autant de nouvelles sélectionnées ou lauréates du prestigieux Caine Prize, prix littéraire créé en 1999 et décerné chaque année à un écrivain africain anglophone. Considéré comme le plus important prix de littérature africaine contemporaine, la parution de ce recueil aux éditions Zulma est l’opportunité – mais c’est surtout une chance – de pouvoir découvrir Chinelo Okparanta, Constance Myburgh, Rotimi Babatumde, Tope Folarin, NoViolet Bulawayo et Olufemi Terry, qui pour la plupart n’avaient pas encore été traduits en français.

Ces auteurs, issus d’Afrique du Sud, du Nigeria, de Sierra Leone, du Zimbabwe abordent des thèmes riches et variés. La jeunesse, dépassée par la violence d’un quotidien misérable, peut être considérée comme le thème central d’un recueil qui évoque aussi la question de l’exil, de l’attachement au pays natal, de l’homosexualité et de l’Histoire coloniale. auteurs_caineA ce titre, l’éclairage porté sur «l’Armée Oubliée» dans laquelle des Africains enrôlés par l’armée coloniale combattent au Japon pendant la seconde guerre mondiale, est essentiel (voir La République de Bombay). L’ensemble, loin d’être homogène, remplit son rôle puisqu’il donne le panorama d’un nouveau souffle créateur, décomplexé et ambitieux. Grâce à la désormais incontournable traductrice Sika Fakambi, chaque nouvelle est un monde, une voix, un style parfaitement restitués. Tantôt poétiques tantôt brutes, fluides ou heurtées, ces écritures témoignent de la richesse de cette génération d’écrivains qui, après Gordimer, Coetzee, Achebe, Soyinka, ont encore des choses à dire. Qu’il soit pour le lecteur l’objet d’une introduction à la littérature africaine ou la confirmation pour d’autres de la beauté, de la justesse de ces voix, l’ouvrage fera consensus et marquera peut-être une étape importante dans la plus large diffusion de ces auteurs dans l’espace francophone.

Snapshots – Nouvelles voix du Caine Prize, traduit de l’anglais par Sika Fakambi, éditions Zulma, 2014


Le testament d’Achebe

ImageLe second titre de Chinua Achebe paru aux éditions Actes Sud est au moins aussi important que son roman évoqué précédemment. Il s’agit là d’un recueil d’articles et de discours qui couvrent les trente dernières années de la vie de cet écrivain majeur. Le ton employé par Achebe dans ces pages est proche de la confidence, tandis que la force de son propos et l’intensité narrative de chacun des textes leur donne l’allure d’un recueil de nouvelles. Si l’ensemble est personnel puisqu’il s’appuie sur des anecdotes évoquant ses années de formation, l’héritage de son père, les rencontres qui l’ont forgé, c’est bien de l’Afrique et du dénigrement coutumier des occidentaux à l’égard du continent qu’il s’agit. S’il est juste, « je suis le premier bénéficiaire de l’éducation dont les missionnaires avaient fait l’un des axes majeurs de leur entreprise », son objection au pouvoir colonial est sans ambages : « je considère que l’on commet un crime grave quand on s’impose à quelqu’un par la force, qu’on s’empare de sa terre et de son histoire et qu’on se justifie ensuite en prétendant que la victime est un être faible, une sorte de mineur qui a besoin de protection. »

Sa lecture du roman de Conrad, Le Cœur des Ténèbres, et de son personnage principal Kurtz qu’il juge « affreux », l’évocation du contexte politique de la guerre civile du Biafra, le passage consacré à Martin Luther King ainsi que sa position sur la nouvelle littérature africaine sont quelques unes des entrées que cet ouvrage, indispensable à qui s’intéresse à la littérature et à l’histoire de l’Afrique, permet.

Education d’un enfant protégé par la Couronne de Chinua Achebe, traduit de l’anglais (Nigeria) par Pierre Girard, Actes Sud (2013)